Je conseille à tous les rêveurs de mon espèce la lecture de ce précieux petit livre d’Anne Dufourmantelle, qui par endroits résiste, garde une certaine opacité, demande des retours en arrière, et à d’autres moments nous éclaire de ses fulgurances. Elle y parle des rêves, des fantasmes, des anges gardiens ou de l’inspiration, tous ces intercesseurs de l’imaginaire qui ouvrent des brèches dans nos vies enfermées et nous amènent à grandir en prêtant l’oreille, si nous le voulons bien, aux mondes qui bruissent en nous. Extrait.
“On ne se remet pas de l’enfance, on se déplace au bord, on y revient en pensées, en rêves, en souvenirs – toute notre sensibilité en découle, et la manière dont le monde a trouvé sens en nous. Il y a des joies sauvages, des fulgurances, des abandons qui nous relient constamment, sans le savoir, à l’enfance. Cette enfance qui garde du rêve la fulgurance et s’efface, comme lui, avant d’être rappelée par une remémoration toujours fragmentaire. La plénitude du temps vécu là, une fois pour toutes, ne nous quitte jamais. Du moins les créateurs le savent-ils, qui gardent l’à-vif de cet âge où tout commence sans jamais finir – l’intensité du moindre après-midi de jeu ou même d’ennui. La sensation que chaque chose compte, le détour d’une ombre dans la chaleur d’août, la rumeur de la ville derrière les stores à l’heure où la nuit vient.”
Anne Dufourmantelle, “Intelligence du rêve”, éditions Payot & Rivages, page 148.