Entre-deux (de la vie des constructeurs de cabanes)

Il y a des jours où l’on n’écrit pas. Le dernier projet est parti, envoyé, on évite d’y penser. Au fil des mois, il était devenu la cabane. Construite branche après branche, brindille après brindille, rafistolée mille fois. Et, à la fin, quand elle était devenue bien à mon goût, bien habitable, je passais chaque jour des heures au chaud à l’intérieur, heureuse comme un gamin qui s’est bricolé un palais sur-mesure au fond des bois. Et j’ai déménagé. Fini. Plus de cabane. Il faut déménager pour que d’autres que nous la testent, vérifient la solidité des branches, profitent à leur tour de l’abri et de la lumière particulière qui filtre à l’intérieur… Surtout, il faut déménager pour que le besoin de cabane nous pousse à construire une autre cabane.

C’est imparable, mais un peu dur quand même. Parce que, au début, on n’a pas la moindre idée de ce à quoi ressemblera la prochaine cabane. Et que l’expérience m’a appris à ne pas me jeter sur la première branche qui traîne pour en faire la poutre maîtresse, à ne pas me lancer trop vite.
Bref. Il y a des jours où ma principale mission consiste à rester assise trois heures devant mon bureau sans savoir ce que je vais écrire. Ce n’est pas si simple, en fait. Rester assise trois heures à se demander si on part dans telle direction ou dans telle autre, si le héros fait ça ou plutôt ça, si on ne serait pas un peu BÊTE, en fait, puisqu’on se sent si incapable de raconter une histoire. Ce n’est pas simple du tout. Mais, même si rien ne vient ce jour-là, ni d’ailleurs le lendemain, même si on a l’impression d’être assis sur une planche à clous et que le sentiment d’imposture est ÉNORME, je crois que c’est indispensable. On dit à l’histoire : je suis là. On dit à l’histoire : tu te défiles peut être pour l’instant mais, tu vois, je t’attends, je ne déserte pas, car je suis une constructrice de cabanes absolument INFATIGABLE.

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