Il y a des maisons où l’on a envie de lire tous les livres, d’écouter tous les CD, de s’attarder dans les canapés. J’ai été accueillie par une maison comme ça cet été. Une maison cocon. La terrasse donnait sur les montagnes bleues du Morgon, elle avait une table, un barbecue et un hamac d’où l’on pouvait regarder des types en parapente se prendre pour des oiseaux en faisant des vols planés au-dessus des sommets. Et donc, cette semaine-là, on s’est promené dans la montagne, on a nagé dans l’eau du lac, et j’ai lu…
« Chanson douce », de Leila Slimani. Le livre commence par un crime : une nounou qui jusqu’alors semblait irréprochable assassine les deux enfants dont elle avait la garde. Puis on remonte le fil. Qu’est-ce qui s’est passé pour en arriver là ?… De la belle écriture. Une justesse psychologique, une plongée dans les méandres marécageux de l’univers domestique… on est fasciné par l’histoire comme un moucheron par l’ampoule électrique, impossible de lâcher le livre. Leila Slimani mène sa démonstration d’une main de maître. Mais quelle misère ! La citation de Dostoïevski en début de livre dit à peu près tout : « Comprenez-vous, Monsieur, comprenez-vous ce que cela signifie quand on n’a plus où aller ? » La question que Marmeladov lui avait posée la veille lui revint tout à coup à l’esprit. « Car il faut que tout homme puisse aller quelque part. »
Après cette claque, j’avais besoin de chaud, de sucré, de réconfortant. J’ai pris dans les romans ados « 35 kilos d’espoir », d’Anna Gavalda. Je ne suis pas fan de ses gros bouquins, trop délayés à mon goût. Mais j’avais beaucoup aimé son recueil de nouvelles « Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part » et j’ai retrouvé là, dans ce récit jeunesse édité par Bayard, tout ce qui fait son charme. Grande empathie envers ses personnages, qui traînent leur lot de casseroles et leur cœur un peu lourd. Grégoire est nul à l’école. Mais alors nul de nul. Au point d’avoir ses parents et l’éducation nationale en permanence sur le dos. Mais il y a son grand-père… Bien sûr, il s’en sort à la fin. Bien sûr, on devine un peu où elle nous emmène mais elle sait quand même, par un détail, une annotation imprévue, nous tirer par surprise une larme ou un sourire. Un vrai bon chocolat chaud.
« De la simplicité », de Thoreau. Le type a vécu au xixe siècle mais sa pensée, radicale et claire, n’a pas pris une ride. Prenons, par exemple, la question du logement : « à l’état sauvage toute famille possède un abri suffisant pour ses besoins primitifs et plus simples : mais je ne crois pas exagérer en disant que, si les oiseaux du ciel ont leurs nids, les renards leurs tanières et les sauvages leurs wigams, il n’est pas dans la société civilisée moderne plus de la moitié des familles qui possède un abri. »
Et il enfonce le clou deux pages plus loin : « Si l’on affirme que la civilisation est un progrès réel dans la condition de l’homme – et je crois qu’elle l’est, mais que seuls les sages utilisent leurs avantages – il faut montrer qu’elle a produit de meilleures habitations sans les rendre plus coûteuses. Or le coût d’une chose est ce que j’appellerai la vie requise en échange, immédiatement ou à la longue. »
La vie requise en échange… ça vous parle ? Thoreau ne s’est pas contenté de théoriser sa pensée. Tournant le dos au mode de vie « moderne », il a été deux ans vivre au bord d’un lac dans une cabane construite de ses propres mains. Il faut lire « Walden » pour découvrir le récit de cette expérience…
Parlez-moi